Le cerf élaphe (Cervus Elaphus)des cornes ou des bois ?
À l’exception du renne, le bois est l’apanage des cervidés mâles. Il s’agit d’un os spongieux qui tombe et repousse chaque année, à partir d’une petite bosse située sur le crâne : le pivot.
La corne est quant à elle portée par les deux sexes comme chez le bison, le chamois, le mouflon ou le bouquetin par exemple. Constituée d’une partie centrale osseuse, prolongement de l’os frontal et d’un étui corné, elle persiste toute la vie. Sa croissance est continue mais pas constante. Une période difficile, par exemple, engendre un ralentissement de la pousse.
Parmi la quarantaine d’espèces actuelles connues de cerfs, toutes à l’exception du cerf d’eau de Chine ou hydropote (Hydropotes inermis) développent des bois. Les bois ne sont d’ailleurs portés que par les mâles, à l’exception du renne (Rangifer tarandus), espèce chez laquelle la femelle en possède aussi.
Les bois sont des organes osseux spongieux, présents sur la tête des cervidés. Pour l’extrême majorité, ils ne sont présents que chez les mâles et sont tous caducs, c’est-à-dire qu’ils tombent chaque année (fin d’hiver dans les milieux tempérés). Chez les mammifères, les bois de cervidés représentent le seul organe capable de se régénérer entièrement. Chez Cervus elaphus, les bois se développent dès les 9 à 12 premiers mois.
Pendant ses deux premières années, le jeune mâle est appelé daguet (en référence à ses bois ressemblant à une dague, le couteau de chasse utilisé pour achever l’animal lors de la chasse).
Les bois chutent tous les ans vers la fin de l’hiver et repoussent au début du printemps, à partir d’une petite bosse située sur le crâne appelé le pivot. Le bois de cette espèce est l’une des croissances osseuses les plus rapides du règne animal, pouvant atteindre 1 à 2 cm par jour.
Au début de leur croissance qui débute au printemps, les bois sont recouverts d’un tissu tégumentaire (le velours) qui assure la protection, la vascularisation et l’innervation de ces organes. On parle alors de bois velouté.
Ce tissu se dessèche et tombe lorsque la croissance osseuse est achevée, vers la fin de l’été : c’est la période de frayure. Pendant la frayure, l’animal frotte ses bois à des éléments solides de son environnement, le plus souvent des troncs d’arbres, pour accélérer la chute du velours.
Les bois resteront à nu pendant toute la période de rut (septembre / octobre en Europe) mais ils continuent d’être vascularisés, non pas par de grosses artères externes (asséchées par la frayure) mais par de fins capillaires internes courants à travers les tubes creux de l’os spongieux. En fin d’hiver, le bois se détache du crâne et son emplacement reste marqué par un pédicule (le pivot) jusqu’à la croissance des nouvelles pousses.
Les bois des cervidés ont différentes fonctions :
– défense contre les prédateurs,
– critère de « beauté » pour les femelles (on appelle cela : « un appareil sexuel secondaire »),
– arme d’attaque ou de défense contre les autres mâles pour le territoire, les ressources ou l’accès aux femelles,
– amplificateur de sons (résonnance) lors du brâme (pour l’élan uniquement),
La croissance des bois dépend de l’âge de l’individu, mais pas seulement. C’est avant tout une question de ressources trouvées dans le milieu (protéines et minéraux au printemps) et d’activité de l’individu. Ainsi, la taille des bois des cervidés et le nombre de cors ne sera jamais le même d’une année sur l’autre et les deux bois d’un même individu ne sont pas systématiquement symétriques.
Le cerf perd ses bois chaque année, en fin d’hiver ou au tout début du printemps et arbore une nouvelle parure chaque été.
Pendant la repousse qui dure jusqu’au début de l’été, il a tendance à s’isoler (mâles de 5 ans et plus) ou à vivre en petits groupes (mâles de 2 à 5 ans). Il mue également pour endosser sa tenue d’été rouge brun luisante.
Un peu d'histoire
Les premiers cervidés seraient apparus durant l’Oligocène (-33 à – 23 millions d’années) dans les plaines d’Asie du Sud. Ils auraient colonisé l’Eurasie et l’Amérique du Nord à partir de la fin de l’Oligocène et n’auraient colonisé l’Amérique du Sud que quelques millions d’années plus tard, vers – 10 MA. Les cervidés des autres continents ne seraient apparus que très récemment.
Les populations de cerfs des dernières glaciations (il y a 11 000 ans) comportaient plusieurs espèces en Europe, dont le célèbre Mégacéros (Megaloceros giganteus), ou cerf des tourbières, aux bois pouvant atteindre 3.50 m d’une extrémité à l’autre. Symbole de royauté, de noblesse, de sagesse et d’élégance au Moyen Age, le cerf élaphe peuple les forêts européennes depuis plusieurs milliers d’années.
En France, la disparition du cerf élaphe dans notre région remonte certainement au XVIIe siècle lorsque les quotas de chasse n’étaient pas encore instaurés. Il a été réintroduit progressivement dans les massifs forestiers entre 1950 et 1960 (en 1954 pour la population du Cheiron), sur l’initiative du Conseil Supérieur de la Chasse, de l’administration des Eaux et Forêts et de la Fédération de chasse. Étudiée depuis longtemps, cette espèce a vu ses populations rapidement augmenter, et s’est très bien adaptée aux conditions écologiques de la moyenne montagne méditerranéenne. Elle occupe principalement deux étages de végétation, le collinéen (700 à 1000 mètres d’altitude) et le montagnard (1000 à 1500 mètres).
Pour l’anecdote, l’étymologie de son nom, Cervus elaphus, est un pléonasme puisque « Cervus » est le nom de genre latin pour cerf et que « elaphus » signifie « cerf » en grec.
La traduction de son nom latin est donc « cerf cerf » !
Condamné par l’Homme ...... à une vie forestière
Le cerf élaphe est une grande espèce, le mâle adulte pouvant atteindre 1 m 45 et 250kg, tandis que le poids des femelles varie entre 100 et 130 kg pour une hauteur au garrot comprise entre 90 et 120 cm.
Ce grand mammifère est probablement l’animal au dimorphisme sexuel le plus connu. Outre leur différence de taille et de poids, les mâles possèdent des bois, alors que les biches n’en ont pas.
Son régime alimentaire est celui des herbivores ruminants. Il consomme près de 15 kg de végétaux par jour, principalement des plantes herbacées avec une nette préférence pour les jeunes pousses. Mais pas que. En automne et en hiver, il varie son alimentation pour maximiser ses chances de se nourrir en consommant notamment du lichen, des écorces, des bourgeons, des brindilles voire des feuilles mortes !
Il vivait initialement dans les grandes clairières de la forêt primaire. Le développement de l’agriculture l’en a progressivement chassé. De nos jours, le cerf élaphe passe la plus grande partie de son temps dans les espaces forestiers, ne gagnant les clairières et prairies qu’à la tombée de la nuit.
Une vie sociale intenseun grand enfant
Pour éviter la prédation humaine ou animale, les cerfs ont adopté un comportement grégaire et se nourrissent plutôt en habitats ouverts. Ainsi plusieurs yeux scrutent les alentours guettant le moindre danger. La vue, l’ouïe et l’odorat sont des sens bien développés chez les cervidés ce qui leur permet de détecter leurs prédateurs. Les cerfs élaphes sont, en Europe, une source importante de nourriture pour de nombreux carnivores, d’autant que plusieurs études scientifiques (notamment celles de INRA) ont montré que l’augmentation des populations de cerf tend à réduire celles de chevreuil.
Le cerf élaphe vit en hardes pendant la majeure partie de l’année. La composition de ces dernières varie en fonction des saisons : hardes de mâles au printemps et en hiver, harde de femelles et de jeunes au printemps, hardes mixtes en automne.
Le cerf élaphe est un animal social qui adore, à tout âge, jouer : galopades, sauts, combats de boxe et par-dessus tout roulades dans la boue. Mâles, femelles et jeunes prennent un malin plaisir à se couvrir de boue, de la tête aux pattes.
Selon l’Office Française pour la Biodiversité (OFB), le cerf occupe actuellement plus de la moitié des forêts françaises, contre moins de 20 % il y a trente ans. La population de cerfs élaphe comptait, à l’état sauvage, environ 150 000 individus en 2023 contre 65 000 en 1994.
Dans la Réserve des Monts d’Azur, le cerf élaphe a retrouvé des conditions de tranquillité qui permettent de l’observer en pleine journée, vacant à ses nombreuses occupations sociales.
saison des amoursune vie sexuelle agitée
Fin août, le cerf élaphe entame sa saison amoureuse. Dans la Réserve des Monts d’Azur, le cerf brame la nuit mais aussi une bonne partie de la journée. Il émet des hoquets saccadés, rauques et puissants qui ne sont pas sans rappeler les rugissements des lions en rut, montrant sa détermination à ses adversaires.
Il existe différents brâmes en fonction des messages à faire passer :
– brame de présence : succinct pour se signaler,
– brame de triomphe : cri puissant pour le vainqueur du combat,
– brame de langueur : long et isolé, pour attirer les biches,
– brame de défi : cri de provocation à un concurrent,
– brame de poursuite : quand le cerf poursuit une biche ou un autre mâle.
Pendant cette période du brâme, le cerf cherche à être entendu. Il est parfaitement conscient que son chant attirera femelles et mâles concurrents mais aussi les prédateurs ! cette initiative a donc pour but de témoigner à la femelle qu’il maîtrise son territoire (préalablement marqué par des frottements aux arbres ou présence de ses souilles), et qu’il se sent capable d’affronter un prédateur.
Contrairement aux idées reçues, le mâle n’impose pas aux femelles de rester. Son brâme a pour but de les attirer sur sa place de chant pour leur montrer où il est et à quoi il ressemble. Les femelles rentrant sur ce territoire se verront alors offrir des parades comme des courses, des éjaculations, et si un adversaire pénètre sur le territoire : des combats.
Ces derniers sont rarement inégaux, les cerfs les plus jeunes n’affrontant que très rarement les mâles expérimentés.
Pendant le rut, le cerf cesse de s’alimenter pour se consacrer à la préservation de l’unité de sa harde, chassant les éventuels rivaux à grands coups de bois. C’est une période difficile pour lui, d’autant plus que les biches ne restent pas insensibles aux charmes du voisin et n’hésitent pas à vagabonder de l’un à l’autre ! Le brame du cerf élaphe peut se prolonger jusqu’en novembre, et les décès parmi les mâles sont fréquents, surtout si l’hiver qui suit est rigoureux.
Les faons naissent au printemps après huit mois de gestation. La mère met bas dans un endroit calme et couvert, après avoir quitté la harde. Le petit pèse de 6 à 8 kg. Il restera soigneusement dissimulé dans la végétation 2 à 3 semaines, n’apparaissant que pour téter sa mère.
Le cerf élaphe arbore une nouvelle parure chaque printemps. Il perd ses bois chaque année, en fin d’hiver ou au tout début du printemps. Pendant la repousse qui dure jusqu’au début de l’été, il a tendance à s’isoler (mâles de 5 ans et plus) ou à vivre en petits groupes (mâles de 2 à 5 ans). Il mue également pour endosser sa tenue d’été rouge brun luisante.
FICHE ESPECE DU CERF ELAPHE
Classe : | Mammifères |
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Ordre : | Cétartiodactyles |
Sous-ordre : | Ruminants |
Famille : | Cervidé |
Espèce : | Cervus elaphus |
Identification : | Le plus connu des cervidés de France. Les mâles possèdent des bois caducs ramifiés et imposants. |
Taille : | 1.50 à 1.60 cm au garrot |
Poids : | Poids moyen de la biche 80-130 kg Poids moyen du cerf 150-200 kg |
Répartition : | Présent partout en Europe dans de grands espaces forestiers. |
Régime alimentaire : | Principalement des graminées et autres plantes herbacées. Feuilles, bourgeons, pousses d’arbustes et arbrisseaux, lichens, champignons, fruits divers, glands et faines. Aiguilles de pins et écorces dans le plus dur de l'hiver. |
Structure sociale : | Les femelles et les jeunes de moins de 3 ans vivent en hardes menées par une biche âgée, rappelant le fonctionnement de sociétés matriarcales. Elles rejoignent un ou plusieurs mâles adultes à l’automne, voire jusqu’à la fin de l’hiver. |
Maturité sexuelle : | 18 mois |
Saison de reproduction : | Septembre-Octobre |
Durée de gestation : | Un peu plus de 7 mois |
Nombre de jeunes par portée : | 1 faon. Très rarement 2. |
Poids à la naissance : | 6 à 9 kg |
Longévité : | 15 ans et plus. |
Effectifs, tendance : | Plus de 160 000 individus en France hors parcs et enclos. |