Le daimDama dama

Ce cervidé est bien surprenant. Question vestimentaire, il suit la mode. En été, sa robe tire sur le roux et est mouchetée de blanc, ce qui la fait ressembler à un faon, le petit de la biche. En automne, la robe vire au brun foncé et les taches s’estompent.

Ses bois n’ont rien à voir avec ceux du cerf, ils ressemblent plutôt à ceux de l’élan : ils sont plats et palmés, tournés vers l’avant. Pesant autours de 5,5 kilos, ils tombent entre avril et mai, avant de pousser à nouveau vers le mois de juin. En trois mois, ces bois peuvent atteindre 90 centimètres de long. Juste à temps pour affronter ses concurrents avides de sexe.

L’ouïe et l’odorat du daim sont très développés. En revanche, sa vision nocturne n’est pas très bonne et l’oblige, contrairement au cerf, à être beaucoup plus actif le jour.

L’histoire du Daim d’Europe

D’après Pascal et al., 2006, le daim était largement répandu en Europe avant la dernière glaciation (-60 000 à -10 000 ans avant J-C.). L’espèce a disparu d’Europe il y a 10 000 ans (sans doute pour plusieurs raisons dont le développement de l’agriculture et la chasse parce que sa chair était très appréciée). Il a été réintroduit à partir de populations subsistant en Asie Mineure (l’actuelle Turquie) à partir de l’âge du Bronze (environ -2 000 ans av J-C.), puis dans l’Antiquité romaine.

 

En France, des restes sont retrouvés à Marseille, dans des dépôts datés du IIIe au Vᵉ siècle, et dans le nord du pays, dans des dépôts allant de l’Antiquité (début en -3 000 ans av. J-C) au haut Moyen Âge (fin autour du Xᵉ siècle). Au bas Moyen Âge (vers le XIVᵉ / XVᵉ siècle) et à la Renaissance (du XVᵉ au XVIIᵉ siècle), des populations sont maintenues dans des parcs de chasse royaux et seigneuriaux. Les populations françaises actuelles seraient issues de ces parcs. À la Renaissance, les daims sont considérés comme des animaux nobles et domesticables. Les chevreuils (petits et très nombreux) sont pour le Peuple, les daims (« jolis » par leurs taches blanches et plus rares) sont pour la Noblesse et les cerfs (« majestueux » par leurs ramures) sont pour la Cour du Roi.

 

En 2013, 53 départements français recensent des daims dans leurs forêts, les populations les plus importantes étant dans l’est de la France. Des hypothèses scientifiques (sans preuves pour le moment) suggèrent que le daim aurait quasiment disparu en France après la Seconde Guerre mondiale, et que les populations de daims sauvages d’aujourd’hui proviennent en majorité, d’individus échappés de parcs privés. Le daim n’entre pas en compétition avec le cerf (Cervus elaphus) mais aurait un impact négatif sur les populations de chevreuil (Capreolus capreolus).

Ethologie de l’espèce

Les daims pratiquent la séparation des sexes, sauf durant la période des amours en octobre. Les hardes de mâles d’un côté, les hardes de femelles de l’autre. Ces dernières sont généralement accompagnées de leur dernier-né et, parfois, de leurs précédents faons (le mot s’emploie pour tous les cervidés). Les jeunes mâles quittent leur mère à 18 mois.

 

Cette vie aimable et paisible prend fin en octobre quand la virilité des mâles se réveille. Chacun essaie de se constituer le plus fourni des harems. La période du rut dure grosso-modo un mois, entre la mi-octobre et la mi-novembre.

 

Les femelles rejoignent les mâles à la période de reproduction, appelée le rut, où, comme pour le Cerf Elaphe, les daims mâles vont « crier » dans la forêt pour appeler la femelle. Si le cerf « brame », on dit que le daim « raire ». Le mâle dominant se choisit un territoire qu’il délimite avec son urine et en frottant ses bois sur le tronc des arbres.

 

En zone forestière où la surveillance est plus compliquée, le mâle se contente de quelques daines, tandis qu’en prairie ouverte, il peut se réserver une trentaine de partenaires. Comme chez le cerf, la technique de drague s’adapte aux circonstances. Certains mâles préfèrent défendre leur territoire, attendant qu’une ou plusieurs daines y mettent le sabot, tandis que d’autres s’emparent de leurs futures épouses en débarquant sur le territoire de leur concurrent. Comme chez le cerf, les daims se battent, bois contre bois, pour attirer le plus de daines possibles et maximiser leurs chances d’avoir une descendance.

 

Le vainqueur doit maintenant honorer toutes ses femelles si fières de leur héros. Pour chacune, il lui arrive fréquemment de remettre le couvert pour être certain d’une future paternité. Inutile de dire qu’il y laisse pas mal de force. Entre la surveillance de ses femelles et ses activités sexuelles qui ne lui laisse guère le temps de se restaurer, le daim peut perdre un tiers de son poids

 

Après une gestation de 8 mois, la daine s’isole pour donner naissance, à la fin du printemps, à un faon, beaucoup plus rarement à deux. (Faon est le terme générique pour nommer tous les petits de cervidés)

 

Les jeunes mâles quittent leur mère à 18 mois tandis que les jeunes femelles forment avec leurs mères des groupes familiaux soudés.
Leurs bois poussent en fin de printemps jusqu’à la mi-été et tombent au début du printemps suivant.

Un drôle d’opportuniste

Le daim est une espèce capable de s’adapter à presque tous les milieux. La chaleur et la sècheresse du pourtour méditerranéen ne l’effraie pas plus que la neige et le froid des pays scandinaves. Pourvu qu’il y ait de quoi brouter ! Essentiellement herbivore, il avale goulument toutes les herbacées présentes dans les sous-bois et dans les prairies. Ce qui ne l’empêche pas d’enrichir son menu avec des jeunes pousses, des feuilles, des rameaux de feuillus et semi-ligneux, et même avec les écorces de nombreuses essences d’arbres. Il ne faut donc pas s’étonner qu’il soit indésirable dans la plupart des régions forestières françaises !  L’appétit du daim ne s’arrête pas là. Il apprécie les glands, les châtaignes et toutes les baies sauvages. Sa présence est même régulièrement attestée dans les vergers alsaciens.

Une arrivée remarquée

Pour parachever la biodiversité de notre Réserve, il fallait absolument y introduire des daims. Chose faite en octobre 2019 quand 4 femelles et 1 mâle débarquèrent en provenance de la République Tchèque. Ce n’est pas la timidité qui étouffa ces nouveaux-venus. Aussitôt, leur caractère belliqueux en imposa aux cerfs à la carrure pourtant bien plus imposante.

Notre mâle mérite bien son surnom d’Attila ! Beaucoup moins farouche que ses compagnes, il reste facile à observer lors de nos safaris.

Pendant l’hiver 2019-2020, les quatre daines de nature curieuse, ont exploré tout le territoire de la Réserve. On pouvait les observer jusqu’à la fin du mois de mai quand elles disparurent brutalement. Quel pouvait en être la raison ? On l’imagine bien… la future mère préfère la discrétion.

Un printemps fertile

Effectivement le 29 juin 2020, apparaissait derrière un buisson de buis, une petite tête. Le premier faon de daim de la Réserve ! À notre grande surprise, cette naissance fut suivie par trois autres. Toutes les daines avaient mis bas !

Elles restèrent discrètes tout l’été, dissimulant leurs jeunes dans les buissons, puis à partir de la mi-octobre, elles ont commencé à se déplacer en hardes, dans les prairies et sous-bois.

Le saviez-vous ?

  1. Il existe un autre daim sur Terre, considérée par certains comme une espèce à part entière et par d’autres comme une sous-espèce de Dama dama (notre daim d’Europe).
    Le daim de Mésopotamie (ou daim de Perse), Dama mesopotamica, a longtemps été considéré comme une espèce disparue. Il est l’un des cervidés les plus rares et les plus menacés. Son aire de répartition originelle serait de la Tunisie à l’Iran (d’ouest en est) et du Koweït à la Géorgie/Arménie (du sud au nord).
  2. On parle souvent de Daim du Japon ! Notamment de « Daim de Nara » très présent dans les parcs forestiers à Nara (proche de Kyoto et Osaka). Pourtant les daims du Japon n’en sont pas ! Ce sont des cerfs Sika (Cervus nippon), une autre espèce de cervidés, avec un phénotype tacheté à Nara.
  3. Enfin, les daims sont l’emblème de Rhodes. La légende affirme que les habitants de l’île les importèrent pour chasser les serpents venimeux.  En effet, avant leur arrivée, davantage de Rhodiens succombaient à une morsure de serpent qu’à la guerre. En guise de remerciement, la population fit construire à l’entrée du port de Mandraki 2 colonnes de pierre ornées de statues de bronze, l’une représentant un daim, l’autre une daine. À la place du fameux Colosse !

FICHE ESPÈCE DU DAIM

Classe :

Mammifères

Ordre :

Cétartiodactyles

Sous-ordre :

Ruminants

Famille :

Cervidés

Espèce :

Dama dama

Identification :

Se reconnaît par sa robe rousse tachetée de blanc à la belle saison. Devient gris / brun au ventre blanc en hiver. Les mâles possèdent des bois caducs palmés sur l’extrémité supérieure.

Taille :

75 à 100 cm au garrot

Poids :

Poids moyen 30 à 80 kg

Répartition :

Les populations sauvages actuelles se retrouvent dans toute l’Europe et en Asie Mineure.

Régime alimentaire :

Il se nourrit de bourgeons, de jeunes pousses d’arbres et arbrisseaux, des feuilles d’arbres mais également de ronces. Il lui arrive de consommer des fruits comme des glands et des châtaignes. Et il peut se nourrir de lichens et d’écorces en hiver.

Maturité sexuelle :

4-5 ans pour un mâle et 3-4 ans pour une femelle.

Saison de reproduction :

Octobre-Novembre

Durée de gestation :

Environ 8 mois

Nombre de jeunes par portée :

1 à 2 faons

Poids à la naissance :

Environ 4 kg

Longévité :

15 ans et plus

Effectifs, tendance :

Plus de 1 500 individus recensés en France, hors parcs et enclos.